Monelle Doiron
Monelle Doiron, artiste en danse contemporaine, est originaire de Rang-St-Georges au Nouveau-Brunswick. Elle étudie en Arts dramatiques à l’Université de Moncton avant de faire son baccalauréat en danse contemporaine à l’Université du Québec à Montréal. Après les études, l’enseignement de la danse est au premier plan dans sa carrière. C’est à son retour au Nouveau-Brunswick, à partir de 2009, que la création se manifeste. Elle collabore avec plusieurs artistes de la région et en 2015 fonde le collectif Les Drôles de Moineaux avec son partenaire de vie et de création l’artiste en art visuel Denis Lanteigne. Ensemble, ils explorent la performance, la chorégraphie et la vidéodanse. Elle reçoit le prix Éloizes dans la catégorie Artiste de l’année en danse/arts du cirque avec l’exploration chorégraphique en vidéodanse Les oiseaux en 2022.
Qu’est-ce qui vous a amené à pratiquer la danse ?
Je ne sais plus ce qui, au départ, m’a amené à la danse. Cependant, en fouillant dans mes souvenirs, je réalise que je m’y suis toujours sentie à ma place, que ce soit à mes débuts en cours de danse loisir, ou pendant ma formation à l’université et ces dernières années en création.
En quoi votre formation et vos expériences vous ont-elles aidé à créer et à innover dans votre pratique artistique ?
Tout au long de mon parcours, j’ai eu d’excellents professeurs et mentors qui ont façonné ma vision de la danse et de la création. Certains m’ont interpellé plus que d’autres, mais ils ont tous laissé une trace, une influence. Je suis la somme de mon vécu et de mes rencontres qu’elles soient artistiques ou non. En fin de compte, ce sont mes explorations qui m’ont façonné en tant que chorégraphe. C’est en faisant que l’on trouve.
Qu’est-ce qui vous stimule le plus de votre pratique ?
La création dans son ensemble est assez stimulante. De la première idée au produit final, il y a un monde. La première étincelle est toujours très excitante. Il y a un monde de possibilité à découvrir à explorer. Je passe dans différentes phases mentales et émotionnelles, de l’excitation au doute au découragement. Et, à un moment donné, dans le processus, la création émerge du brouillard. Je crois que c’est ce moment qui me fascine le plus, lorsque je découvre l’œuvre.
Comment le fait de vivre et de travailler au Nouveau-Brunswick vous a-t-il aidé et/ou inspiré votre cheminement ?
En 2009, lorsque je suis revenue m’installer ici au Nouveau-Brunswick, je ne dansais plus, et ce pour toutes sortes de raisons, dont une blessure au dos.
Bien que je vive éloigné des grands centres urbains, il y a une multitude d’artistes dans ma région. Je me suis assez vite retrouvée à explorer avec certains, dont des musiciens et des artistes en arts visuels. Cela m’a donné le goût de me plonger dans la création et d’essayer des choses. C’est donc ici, chez moi, au Nouveau-Brunswick que je suis devenue une chorégraphe. C’est un petit milieu, il y a moins de ressources et pourtant la création ici se déploie.
Qu’est-ce qui anime votre créativité ?
Un jour, j’ai été émue en voyant danser une femme d’un certain âge. À travers son corps, un peu courbé et par sa souplesse disparue, j’ai ressenti toute une histoire imprégnée en elle. À partir de ce moment, il m’est venu l’idée d’explorer la danse non pas dans l’aspect performatif du mouvement, mais dans la présence.
Le corps possède une histoire. On a beau vouloir le magnifier, le changer, on ne peut effacer notre vécu. Les expériences se cachent dans nos muscles, sur notre peau, dans notre posture.
Qu’arrive-t-il au corps si je lui impose un mouvement, ajouté à cela, une orientation dans l’espace et une rencontre avec l’autre ? Pour moi, c’est ici que le jeu commence.
Et depuis quelque temps, je crée pour la vidéodanse. Cela ouvre les possibilités quant au lieu. J’explore la chorégraphie dans différentes places, des espaces de la vie courante, des lieux où le geste devient un automatisme.
Comment se déroule le processus de création d’une œuvre ?
Je travaille à partir d’improvisation structurée. Le processus formel est minimaliste, un mouvement simple et répétitif, une direction précise dans l’espace. Le geste ici est brut, je ne compte pas sur la performance physique, mais plutôt sur la somme des contraintes pour faire vibrer le corps et amplifier sa présence.
Il s’en suit alors un processus créatif où s’additionnent des gestuelles qui forment des tableaux. Des séquences qui se multiplient dans une chorégraphie finale ou un montage vidéo.
Quelle est votre vision à long terme et qu’espérez-vous réaliser ?
La danse et la création sont les parties prenantes de ma vie. L’art m’amène à vivre toutes sortes de voyages, à l’intérieur de moi comme à l’extérieur. Je souhaite que cela continue aussi longtemps que possible.
Pourquoi pensez-vous qu’il est important de faire de l’art et s’investir dans une démarche artistique ?
Lorsque l’on commence une démarche artistique, il est impossible de se mentir. C’est une rencontre avec soi-même qui peut parfois nous faire vivre bien des choses, cependant, la création nous libère. J’exprime ce qui me touche, me dérange, me questionne et j’affirme une voie, la mienne, qui je le souhaite résonne avec d’autres.
Grâce à votre travail, qu’avez-vous appris sur vous-même et sur la communauté artistique du Nouveau-Brunswick ?
J’ai découvert que j’avais besoin d’une communauté pour m’épanouir comme artiste. Et heureusement, j’ai rencontré une collectivité artistique forte et résiliente qui a le désir de vivre et s’épanouir ici au Nouveau-Brunswick. Il y a un effort pour développer le milieu de la danse. Les rencontres et les événements se succèdent autant ici dans le nord, à Caraquet, avec les Obélies, un événement d’art performatif et de danse contemporaine. À Moncton il y a Carte Blanche Acadie, un laboratoire qui permet de présenter un travail en cours de recherche et le Festival Danse Atlantique. Et dans le sud, il y a le Saint John Contemporary Dance Festival, entre autres.
Selon vous, quel est l’impact du travail des artistes dans les communautés ?
L’art porte un regard sur la société dans laquelle nous vivons. L’art permet le questionnement, la discussion et la révélation pour certains. Pour d’autres, l’art permet de s’évader de son quotidien, de l’adoucir, le rendre supportable. Chacun y trouve ce dont il a besoin.
Décrivez ce dont vous êtes le plus fier au cours de votre carrière.
D’avoir osé et d’être allée au bout de mes idées et d’être resté fidèle à moi-même. Malgré les peurs et les doutes, je suis fière d’avoir plongé dans cette aventure chorégraphique qui me ressemble.
Quels conseils donneriez-vous aux artistes en début de carrière ?
De ne pas se conformer et de suivre sa propre voie.